Les enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance)
Les Etats membres de l’Union Européenne se sont engagés, dans le cadre de différents accords internationaux, à la réduction de leurs impacts ESG ainsi qu’à l’atteinte de cibles définies.
Or, l’atteinte de ces cibles par chaque Etat ne sera envisageable qu’au prix d’un effort national.
La CSRD a pour enjeux principal de s’assurer que les stratégies des entreprises européennes sont alignées avec ces cibles.
Les principaux accords climatiques et environnementaux auxquels l'Union européenne (UE) a adhéré ou qu'elle a adoptés :
- Protocole de Kyoto (1997) : L'UE a joué un rôle de premier plan dans la signature du Protocole de Kyoto, qui engage les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
- Accord de Paris (2015) : L'UE s'est engagée à l'Accord de Paris, visant à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, avec un effort pour limiter l'augmentation à 1,5 °C.
- Pacte vert pour l'Europe (2019) : Le Green Deal vise à transformer l'UE en une économie neutre en carbone d'ici 2050. Il comprend des plans pour réduire les émissions de GES de 55 % d'ici 2030.
- Fit for 55 (2021) : C'est un ensemble de propositions législatives visant à réduire les émissions de GES de 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en soutenant la transition vers une économie verte.
- Loi européenne sur le climat (2021) : Elle rend juridiquement contraignant l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050, avec une réduction des émissions de 55 % d'ici 2030.
- Stratégie pour la biodiversité (2020) : Un plan visant à protéger 30 % des terres et des mers européennes et à restaurer les écosystèmes dégradés.
- Stratégie de l'UE sur les plastiques (2018) : Vise à réduire les déchets plastiques et à promouvoir l'économie circulaire en recyclant les plastiques.
- Plan d'action pour l'économie circulaire (2020) : Cherche à réduire l'empreinte matérielle et la consommation d'énergie en Europe, encourageant le recyclage et la réutilisation.
- Effort partagé (2009, mis à jour en 2018) : Cadre pour réduire les émissions des secteurs non couverts par le Système d’échange de quotas d’émission de l'UE.
- Stratégie de mobilité durable et intelligente (2020) : Vise à réduire les émissions des transports, encourageant les véhicules propres et les carburants alternatifs.
Les objectifs
Compliance / conformité
La CSRD est une Norme de compliance en ce qu’elle ne prescrit aucune obligation d’atteindre un résultat mais qu’elle impose aux entreprises de mettre en place une organisation visant à s’assurer que leur modèle d’affaires est durable et que leur stratégie est compatible avec les engagements ESG nationaux.
La CSRD impose aux entreprises de l’UE de fournir, chaque année, un rapport de durabilité intégrant des informations très détaillées et fiables sur leurs impacts, risques et opportunités environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) liés à leurs activités tels que par ex. l’utilisation des ressources naturelles, le changement climatique, la pollution, le respect de la diversité, de la sécurité des travailleurs et des usagers, l’éthique des affaires.
Transparence, fiabilité et comparabilité des performances ESG
Les investisseurs, clients, organismes publics et de recherche et plus globalement l’ensemble des parties prenantes, pourront accéder aux rapports de durabilité.
La CSRD harmonise le reporting de durabilité ainsi que les process et méthodes qui permettront d’établir ce reporting. Le rapport de durabilité est digitalisé et chaque information précisément encodée donc disponible pour une extraction ou une compilation.
Ainsi, les performances ESG des entreprises UE seront comparables entre elles.
La CSRD impose que les informations contenues dans le rapport de durabilité soient vérifiées par un tiers indépendant, comme un auditeur externe ou un commissaire aux comptes. Cette certification vise à assurer l'exactitude et la fiabilité des informations divulguées, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes dans la communication de l'entreprise sur sa performance en matière de durabilité.
Les données pourront donc être compilées au niveau national et international pour s’assurer de l’avancement des engagements ESG européen et comparées entre chaque entreprise les critères ESG dans les choix des clients et des investisseurs.
Protectionnisme et souveraineté
Les impacts risques et opportunités ESG doivent être mesurés et améliorés sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise incluant les relations d’affaires en amont et en aval. Les entreprises devront donc intégrer les performances ESG de leurs fournisseurs aux leurs. Les fournisseurs y compris hors UE devront donc s’aligner sur les standards UE.
Par ailleurs, la CSRD s’imposera à compter de 2028 à toutes les entreprises hors UE qui réalisent plus de 150 000 millions de CA net sur le territoire de l’UE.
Enfin, l’un des thèmes de la Norme est la consommation des ressources naturelles. La CSRD permettra à chaque Etat de mesurer la dépendance nationale à l’égard de ces ressources.
Les obligations découlant de la CSRD
L'analyse de la double matérialité
C’est l’étape préalable et indispensable à l’établissement du reporting de durabilité. Elle sert à identifier les thèmes les plus pertinents pour le reporting de durabilité. Ainsi, les entreprises peuvent se concentrer sur les sujets qui sont véritablement importants, tant pour la société que pour leur propre succès, et fournir un rapport plus ciblé et pertinent :
1. Sur l'environnement, le social et la gouvernance (matérialité environnementale et sociale) : Elle concerne les aspects ESG (Environnement, Social et Gouvernance) où les activités de l'entreprise ont un impact significatif sur l'environnement ou la société. Cela comprend les émissions de carbone, la gestion des ressources naturelles, les droits de l'homme, la diversité, les conditions de travail, etc.
2. Sur l'entreprise (matérialité financière) : Elle examine comment les enjeux ESG influencent directement la situation financière de l'entreprise. Cela inclut les risques et les opportunités liés aux réglementations environnementales, aux préférences des consommateurs, aux pratiques de gouvernance, et à d'autres facteurs qui peuvent affecter les revenus, les coûts, et la réputation.
Les étapes de la double matérialité :
1. Constituer une équipe dédiée : Impliquer les responsables de la durabilité, des finances, de la stratégie et d'autres parties prenantes clés pour assurer une vision globale.
2. Engager les parties prenantes externes : Obtenir des retours des investisseurs, des clients, des employés, des ONG, et d'autres parties prenantes pour comprendre leurs attentes et préoccupations sur les aspects ESG ;
3. Collecter des données internes et sur toute la chaîne de valeur et les relations d’affaires pour identifier tous les aspects ESG ;
4. Analyser comment les activités de l'entreprise impactent l'environnement et la société. Identifier les domaines où les activités de l'entreprise peuvent entraîner des effets négatifs ou positifs significatifs ;
5. Évaluer la matérialité financière : Examiner comment les risques et les opportunités liés aux facteurs ESG peuvent influencer la situation financière, la stratégie et la performance globale de l'entreprise ;
6. Prioriser les enjeux : Etablir une matrice de matérialité pour classer les enjeux selon leur importance pour les parties prenantes et leur impact sur l'entreprise.
L'analyse de la double matérialité doit être un processus continu, car les conditions peuvent évoluer. Il est donc nécessaire de revoir périodiquement les critères de matérialité et ajuster en fonction des nouvelles informations.
La démarche d’amélioration continue PDCA
La CSRD partage des similarités avec les systèmes de gestion de type ISO 9001, notamment le cycle PDCA (Plan-Do-Check-Act). La CSRD vise à encourager les entreprises à adopter une approche systématique pour identifier, gérer et rapporter les enjeux liés à la durabilité.
C’est l'approche PDCA :
Plan (Planifier) : Établir une stratégie et des objectifs basés sur une analyse approfondie de la double matérialité ;
Do (Faire) : Mettre en œuvre des politiques et des actions pour atteindre ces objectifs ;
Check (Vérifier) : Suivre et mesurer les progrès par rapport aux objectifs fixés, en utilisant des indicateurs pertinents ;
Act (Agir) : Réviser les stratégies et les politiques en fonction des résultats, puis ajuster les actions pour améliorer la performance.
L'importance de la CSRD réside dans le fait de démarrer avec des bases solides, en définissant correctement les enjeux matériels à partir d'une analyse fiable de la double matérialité. Cela permet d'orienter efficacement les stratégies et d'assurer un reporting transparent et pertinent.
Le rapport de durabilité
Le rapport de durabilité fait partie intégrante du rapport de gestion annuel de l'entreprise. Cette intégration vise à harmoniser les informations financières et non financières, permettant ainsi aux parties prenantes d'avoir une vision complète de la performance globale de l'entreprise.
Les informations contenues dans le rapport de durabilité sont vérifiées par un tiers indépendant, comme un auditeur externe ou un commissaire aux comptes.
Le rapport de durabilité doit ainsi non seulement refléter les actions et les stratégies de durabilité de l'entreprise, mais aussi justifier une approche systématique de la gestion de ces enjeux.
Le rapport de durabilité devra respecter un format structuré qui permettra aux parties prenantes d'accéder facilement aux informations pertinentes sur les performances (ESG).
Voici quelques éléments essentiels à inclure dans un rapport de durabilité :
- Introduction : Fournir une vue d'ensemble de la stratégie de durabilité de l'entreprise, ses valeurs, ses missions et ses objectifs en matière de durabilité.
- Gouvernance : Décrire les structures de gouvernance en place pour superviser les performances ESG, les politiques et les procédures.
- Double Matérialité : Expliquer les principales questions de matérialité identifiées à travers une analyse de la double matérialité (impacts environnementaux et sociaux sur l'entreprise, et vice-versa).
- Stratégie et Objectifs : Présenter les objectifs à long terme et les stratégies de l'entreprise en matière de durabilité, alignés sur les questions de matérialité.
- Cycle PDCA :
- Plan (Planifier) : Exposer la stratégie et les politiques.
- Do (Faire) : Décrire les actions et les initiatives mises en œuvre.
- Check (Vérifier) : Présenter les métriques et les indicateurs utilisés pour mesurer les performances.
- Act (Agir) : Expliquer les ajustements faits pour améliorer les stratégies et les politiques.
Informations sur les Performances : Fournir des informations quantitatives et qualitatives sur les performances ESG, avec des indicateurs clés de performance (KPI) et des objectifs.
Risques et Opportunités : Identifier les principaux risques et opportunités liés à la durabilité que l'entreprise rencontre.
Engagement des Parties Prenantes : Décrire comment l'entreprise interagit avec les parties prenantes et prend en compte leurs préoccupations.
Annexes : Fournir des données supplémentaires, des graphiques et des détails techniques.
Le rapport doit être clair, cohérent et permettre une comparaison facile avec les années précédentes.
Les sanctions
Les sanctions en cas d’infraction sont définies par chaque État membre.
La France prévoit ainsi :
- une amende de 3750 euros en cas de non publication du rapport ou de publication d’informations partielles ou erronées
- une amende de 30 000 euros et jusqu'à 2 ans d'emprisonnement en cas de non audit du rapport extra-financier
- une amende de 75 000 euros et jusqu'à 5 ans d'emprisonnement en cas d'entrave aux vérifications ou contrôles des auditeurs
Toutes les entreprises sont concernés par la CSRD
Directement
Entrée en vigueur de la directive CSRD |
Premier reporting
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Entreprises concernées
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1er janvier 2024
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2025 (pour l'année 2024)
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Entreprises cotées sur les marchés réglementés de l’UE remplissant deux des critères suivants : plus de 500 salariés, plus de 50 millions € de chiffres d'affaires, plus de 25 millions € de total de bilan
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1er janvier 2025
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2026 (pour l'année 2025)
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Entreprises remplissant deux des critères suivants : plus de 250 salariés, plus de 50 millions € de chiffres d'affaires, plus de 25 millions € de total de bilan
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1er janvier 2026
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2027 (pour l'année 2026)
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PME cotées en bourse (sauf micro-entreprises : entreprises de moins de 10 salariés dont le total du bilan ne dépasse pas 450 000 € ou dont le montant net du chiffre d'affaires ne dépasse pas 900 000 €) |
L'application de la CSRD aux groupes consolidés :
Pour un groupe disposant de filiales, les seuils cités ci-dessus sont à considérer au niveau du groupe si ce dernier publie des comptes consolidés. Le reporting doit donc se faire au niveau consolidé de la société-mère. Dans ce cas-là, les filiales bénéficient elles d'une exemption de reporting, mais le rapport de durabilité doit inclure le reporting de chaque filiale.
Les filiales exemptées doivent formaliser une déclaration d'exemption. Cette même exemption s'applique pour les filiales européennes des sociétés-mères installées hors UE et qui publient un rapport de durabilité conformément à des normes de durabilité équivalentes à celles demandées par la Commission européenne.
Attention, cette exemption ne s'applique pas en revanche aux filiales qui sont des grandes sociétés cotées.
L'application en cascade
La CSRD aura un impact indirect sur toutes les entreprises, même celles qui ne sont pas directement soumises aux obligations de reporting de durabilité. Cette application en cascade s'explique par le fait que les grandes entreprises, tenues de publier des données ESG détaillées, dépendront des informations provenant de leurs fournisseurs, prestataires et autres partenaires dans leur chaîne de valeur.
Par conséquent, les entreprises de toutes tailles, y compris celles en dessous des seuils directement concernés par la CSRD, seront probablement sollicitées pour fournir des données sur leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. Cela permettra aux entreprises soumises à la CSRD de compléter leur reporting de durabilité et d'assurer une transparence tout au long de leur chaîne de valeur.
Ainsi, même si les petites entreprises ne sont pas directement soumises à la CSRD, elles devront néanmoins s'adapter aux exigences de la directive pour répondre aux attentes de leurs clients et partenaires.